20 avril 2023

Contrats de retraite supplémentaire : la Cour de cassation vient de rendre une décision surprenante concernant le taux du « tarif » applicable au calcul des rentes

Le sujet est très technique mais concerne des milliers d’assurés.

En vulgarisant, les contrats de retraite organisent la conversion d’une épargne en rente viagère. Celle-ci est « tarifée » au moyen de paramètres tels qu’un taux (parfois appelé « taux technique ») et des tables de mortalité, strictement encadrés par la loi.

Pour des raisons de solvabilité, l’article A. 132-1 du code des assurances plafonne le taux applicable. À chaque nouveau plafonnement se pose la question de son application dans le temps, et surtout aux contrats en cours.

À ce titre, ce texte prévoit simplement d’appliquer, pour la conversion de chaque cotisation en rente : par principe, le taux en vigueur à la date de « souscription » du contrat et, par exception, pour les cotisations « non programmées », le taux en vigueur à leur date de versement.

On pouvait penser que la Cour de cassation avait déjà totalement traité la question, en rendant ses 2 seules décisions en la matière dans des hypothèses très complémentaires.

En 2003, elle jugeait, dans une logique civiliste imparable, que si le contrat comportait une clause de tacite reconduction, le renouvellement donnait naissance à un nouveau contrat (vu comme une nouvelle souscription), et que toutes les cotisations postérieures devaient donc se voir appliquer le taux entré en vigueur juste avant le renouvellement.

En 2011, dans l’hypothèse d’un contrat souscrit pour une durée viagère et ne pouvant donc pas prévoir de tacite reconduction, elle a jugé qu’il convenait d’appliquer tel quel l’article A. 132-1, en appliquant aux cotisations programmées dès la souscription le taux en vigueur à cette époque, et en appliquant aux cotisations non programmées le taux en vigueur à la date de leur versement.

Dans un arrêt du 20 avril 2023 (n° 21-23.712), la Cour de cassation s’est à nouveau prononcée dans un cas manifestement identique à celui de son arrêt de 2003.

Pourtant, alors que la cour d’appel avait parfaitement appliqué la même solution que dans l’arrêt de 2003, la 2ème chambre civile considère ici que le raisonnement fondé sur l’effet de la tacite reconduction revient à faire produire un effet rétroactif à l’article A. 132-1, ce qu’elle censure. Contre toute attente, elle semble donc sanctuariser les cotisations programmées à la toute première souscription du contrat et neutralise cette fois les effets juridiques de la tacite reconduction (pourtant aujourd’hui consacrés par le code civil…).

Lien vers l’arrêt Cass. Civ. 2ème 20 avril 2023 (n° 21-23.712).